Lancement d'EUSO-Ballon, en août 2014.
Ça y est ! La mission EUSO-SPB, précurseur de l'Observatoire Spatiale de l'Univers Extrême dédié à l'étude des rayons cosmiques d'ultra-haute énergie (RCUHE), est prête pour un vol de longue durée sous ballon stratosphérique pressurisé. Après le succès du vol d'une première version de l'instrument, EUSO-Ballon, en août 2014, sous l'égide du CNES, la collaboration internationale JEM-EUSO revient avec un instrument plus performant encore, conçu pour détecter des rayons cosmiques ayant une énergie de l'ordre de 10^18 eV, soit 100 000 fois plus élevée que les particules accélérées au CERN. C'est la NASA qui pilote cette fois-ci la mission, et procèdera à son lancement depuis Wanaka, en Nouvelle-Zélande, dès que la météo le permettra à partir du 25 mars 2017.
Les rayons cosmiques d'ultra-haute énergie représentent l'un des mystères les plus fascinants de l'univers extrême. Avec des énergies littéralement macroscopiques, équivalentes à l'énergie d'une balle de tennis servie à 150 km/h, ces noyaux d'atomes qui nous parviennent d'autres galaxies intriguent les chercheurs depuis plus d'un demi-siècle. Dans quels sites astrophysiques sont-elles accélérées ? Par quel mécanisme ? Avec quel impact sur leur environnement immédiat ? Quel est leur lien avec les rayonnements plus traditionnels reçus du cosmos ? Et que peuvent-ils nous apprendre sur les processus à l'œuvre dans l'univers et dans ses sources les plus puissantes ?
Autant de questions qui justifient les efforts des chercheurs pour percer les secrets de ces particules de l'extrême, et déployer des moyens d'observation nouveaux. Il faut dire qu'il n'a pour l'instant été possible de détecter qu'un nombre très limité des ces particules. Pour les plus énergétiques d'entre elles, on n'en compte qu'à peine une par mètre carré et par milliard d'années ! Il convient donc de déployer des détecteurs couvrant des milliers de km2. C'est ce qui a été fait en Argentine, avec l'Observatoire Pierre Auger, auquel l'IN2P3 a contribué de manière décisive. Mais pour aller plus loin, les chercheurs envisagent la solution de l'espace. L'objectif ? Se placer en orbite autour de la Terre, par exemple sur la Station Spatiale Internationale (ISS), et observer l'effet de l'interaction de ces rayons cosmiques d'ultra-haute énergie avec l'atmosphère terrestre. Ces particules sont en effet connues pour induire le développement d'une « gerbe » de particules secondaires, créées en cascade lors d'interactions successives et traversant l'atmosphère à la vitesse de la lumière. Ces particules, dont le nombre peut atteindre plusieurs centaines de milliards, excitent au passage les molécules de l'air qui, en se désexcitant, émettent un rayonnement de fluorescence similaire à celui observé dans le phénomène des aurores boréales. C'est ce rayonnement qui permet finalement, lorsqu'il est capté par un télescope suffisamment sensible, opérant dans le domaine ultraviolet, de détecter de manière indirecte le rayon cosmique incident, et de reconstruire son énergie et sa direction d'arrivée, et de donner quelques indications concernant sa nature.
C'est parce que le déploiement d'un tel instrument spatial, qui couvrirait plusieurs centaines de milliers de km2 d'atmosphère, est un projet ambitieux que des pathfinders (missions précurseurs) ont été conçus et développés par la collaboration JEM-EUSO. EUSO-SPB, dont le lancement est donc imminent, est le second d'entre eux, après EUSO-Ballon en 2014 et avant mini-EUSO, qui sera lancé vers l'ISS début 2018. Il s'agit de modèles réduits de l'instrument visé ultimemement, mais en possédant déjà toutes les fonctionnalités et sous-systèmes. Et si le vol de 2014 avait essentiellement permis de valider la technologie et d'effectuer les premières mesures de l'émission UV de la Terre avec une grande résolution, indispensable à la compréhension du "fonds UV" sur lequel doivent se détacher les gerbes cosmiques, le vol d'EUSO-SPB, dont la durée prévue est de plusieurs semaines, devrait être couronné par la toute première détection de la lumière de fluorescence d'une telle gerbe par un instrument en vol. Un premier pas très attendu par toute la communauté internationale !
Préparation de la nacelle EUSO-SPB
Avec la responsabilité de l'électronique de front-end, de l'intégration, des tests et de la calibration du détecteur principal, la contribution française et l'implication des équipes de l'IN2P3 des laboratoires APC, LAL et Oméga, ont été déterminantes tout au long du projet. Et alors que chacun retient son souffle en attendant le lancement, les yeux et les esprits dont déjà tournés vers l'avenir, non seulement avec la mission mini-EUSO, qui portera la technologie en orbite pour la première fois d'ici moins d'une année, mais aussi avec la préparation de missions spatiales d'envergure, aux objectifs scientifiques cette fois pleinement compétitifs : K-EUSO, d'abord, puis POEMMA, que la NASA vient tout juste de sélectionner parmi les 10 "Probes mission concept studies" désormais financées.
Affaire à suivre, donc !